Hépatotoxicité médicamenteuse : la cause la plus fréquente de retrait des médicaments du marché

Le foie présente un rôle capital dans le métabolisme des médicaments principalement introduits par voie orale.
De nombreux médicaments peuvent être toxiques pour le foie, entraînant chez certains patients des lésions hépatiques graves, voire mortelles.

On distingue deux types de toxicités :

  • Toxicité directe (prévisible, dose-dépendante).
  • Ou Toxicité idiosyncrasique (imprévisible, non liée à la dose, dose recommandée, bonne indication, chez patients particuliers).

 

Les lésions hépatiques peuvent se voir à différents niveaux :

  • Hépatocyte.
  • Voies biliaires.
  • Vaisseaux.
  • Ou mixte.

1. Epidémiologie

  • Première cause d’insuffisance Hépatique aigue.
  • Première cause d’arrêt d’essai clinique.
  • Première cause de retrait d’un médicament sur le marché.
  • Première cause de restriction thérapeutique.
  • Première cause de mortalité d’origine médicamenteuse.
  • Plus de 1300 principe qui sont incriminés comme étant hépatotoxique.

L’incidence annuelle de l’hépatite médicamenteuse donne des résultats limités. En effet, il n’y a pas de registre en France/études prospective depuis 2000 -> 14/100000 -> 9000 cas/an.

Ci-dessous un TOP 10 des médicaments (hors Paracétamol) par famille de médicament et par substance, connus pour être responsables d’une hépatite médicamenteuse :

Concernant le Paracétamol ; selon une étude prospective d’indication pour transplantation pour hépatite grave en France 2015-2016 (17 centres/ 148 patients), on a découvert que le Paracétamol était responsable dans 42.6% (60% : intoxication volontaire > 10grs/jr, et 40% intoxication accidentelle < 10grs/jr).

 

2. Facteurs de risques

Les facteurs suivants n’ont pas été impliqués de manière certaine comme risques dans les réactions médicamenteuses de type idiosyncrasique.

 

3. Mécanisme

Souvent directe / dose-dépendante / prévisible / après un court délai (1–12 semaines).

Rarement idiosyncrasique / dose-indépendante / période de latence plus longue (jusqu’à 12 mois).

N’est pas unique, mais est généralement spécifique du toxique en cause (pas connus pour toutes les molécules incriminées).

Deux principaux mécanismes :

  • Génération de métabolites réactifs (cytochromes P450).
  • Dysfonctionnements mitochondriaux.

 

4. Diagnostic

Le diagnostic d’une hépatite médicamenteuse reste difficile face à l’absence de biomarqueurs spécifiques.

Il s’agit d’un diagnostic d’exclusion d’autres causes de maladie du foie, associé à une anamnèse réfléchie et à un examen physique et l’interprétation du bilan hépatique qui permettent d’identifier les médicaments en cause. Par conséquent il faut d’abord exclure toutes les causes d’une atteinte cytolytique, cholestatique ou mixte.

La ponction biopsie hépatique est non spécifique mais oriente en cas de suspicion d’une hépatite auto-immune/ forme atypique (ex : cholangite sclérosante).

Ci-dessous le score RUCAM, qui est un score sensible basé sur des critères objectifs, orientant vers l’imputabilité d’une toxicité à un médicament.

Echelle RUCAM (Roussel-Uclaf causality assessment method)

Ci-dessous les diagnostics différentiels qu’il faut écarter en parallèle :

 

5. Clinique

Les premiers symptômes surviennent entre 5 et 90 jours après le début du traitement MAIS l’atteinte peut-être :

  • Symptomatique : Hépatalgie, Murphy, Hépatomégalie, Ictère, Hypertension portale, Encéphalopathie.
  • Asymptomatique : découverte fortuite d’une élévation asymptomatique des enzymes les

Les atteintes hépatiques sont classées comme suit :

Il faut savoir qu’une atteinte hépatique est considérée comme sévère si : ALAT > 3 X la limite supérieure + BILIRUBINE > 2 X la limite supérieure.

 

6. Formes anatomo-clinique

1. Hépatique aigue

1.1 Cholestatique

  • Échographie abdomino-pelvienne est indispensable pour le diagnostic.
  • PBH n’est pas nécessaire.
  • Évolution variable.
  • Médicaments ++ : Estrogènes, Stéroides, Macrolides, Antidépresseurs tricycliques.

1.2 Cytolytique

  • Souvent asymptomatiqu, le tableau clinique des formes symptomatiques est similaire aux hépatites virales.
  • PBH n’est pas nécessaire.
  • Si Formes grave ++++ à surveiller le TP (risque hépatite fulminante).
  • Evolution variable.
  • Médicaments ++ : Paracétamol , Izoniazide , AINS, Phénobarbital.

1.3 Mixte

  • Médicaments ++ : B. lactamines , AINS, Anti-epileptiques.

2. Hépatite chronique

  • Soit Hépatite aigue, origine médicamenteuse méconnue et le traitement est poursuivi.
  • Ou Hépatite aigue méconnue évoluant vers la chronicité.
  • Souvent asymptomatique, parfois : ictère, HPM, HTP.
  • PBH : nécrose parcellaire, Infiltrat Inflammatoire, fibrose d’étendue variable.
  • Régression possible, mais évolution possible vers la fibrose.
  • Médicaments ++ : Paracétamol, Méthotrexate, Vit A, Amiodarone.

 

3. Autres

3.1 Stéato-hépatite

  • Peudo-alcoolique.
  • PBH : stéatose, corps de Mallory, Infiltrat inflammatoire, fibrose.
  • Médicaments ++ : Diltiazem, Nifedipine, Inhibiteurs calciques.

3.2 Granulomatose hépatique

  • Asymptomatique ou syndrome cholestase.
  • PBH ++ : granulomes hépatique.
  • Médicaments ++ : Penicelline , Augmentin, Sulfamides, Carbamazépine, Hallopurinol.

3.3 Lésions vasculaires

  • Thrombose portale, maladie veino-occlusive .
  • Médicaments ++ : Estrogène, Corticoïdes , Méthotrexate.

 

7. Prise en charge

1. Mesures générales

Arrêt du médicament suspecté et tous les médicaments non vitaux avec une évolution souvent en quelques jours-semaines.

En cas d’ictère :

  • Une Surveillance clinique et biologique rapprochée s’impose.
  • L’hospitalisation est nécessaire en cas de coagulopathie et / ou encéphalopathie.
  • Une transplantation hépatique sera discutée en cas d’hépatite fulminante

2. Mesures spécifiques

Cholestyramine : facilite l’élimination du Terbinafine, Leflunomide.

N-acétylcystéïne : n’est pas seulement efficace sur le Paracétamol/ recommandé en cas d’insuffisance hépatique aigue.

Carnitine : pour l’acide Valproique.

L’acide Ursodésoxycholique : principal médicament utilisé en cas d’hépatite médicamenteuse cholestatique.

 

8. Conclusion

  • Être vigilant dans l’appréciation de l’hépatite médicamenteuse, une surestimation peut mettre dans l’ombre une maladie du foie et mettre en danger le patient.
  • Lutter contre l’automédication et la prescription intempestive et erronée des médicaments.
  • S’il faut choisir entre deux médicaments, choisir le moins hépatotoxique.
  • Éviter l’association des médicaments majorant le risque d’hépatotoxicité.
  • Ne jamais réintroduire un médicament si hépatotoxicité suspectée, si son intérêt n’est pas vital.